Petite précision, pour commencer : si vous souhaitez juste retrouver la franche rigolade du film Intouchables et la complicité entre Pozzo di Borgo et Abdel, vous risquez d'être un peu décu.
En effet, ce livre, d’abord paru en 2001 a été réédité en 2011 (suite au tournage du film) augmenté de la partie «Le diable gardien »
Ce récit se décompose donc en deux livres :
Le premier le second souffle retrace la vie de Philippe Pozzo di Borgo de sa naissance (et de ses aïeux) à sa rencontre avec Abdel, en 1998.
Le second livre Le diable gardien couvre la période de 1998 à 2004, à savoir jusqu’à sa rencontre au Maroc avec Khadija, sa nouvelle compagne. Il représente le dernier tiers de l’ouvrage et correspond à la période portée à l’écran dans Intouchables.
Pourquoi avoir eu envie de lire ce livre ? Parce que j’ai adoré le film mais surtout au-delà, j’ai voulu creuser un peu le « phénomène » Pozzo / Abdel. Et en voyant un reportage sur Philippe Pozzo di Borgo, la façon dont il parlait de sa première épouse Béatrice, et le regard qui portait sur sa vie et la vie en général, sans compassion ni complaisance, eh bien, ce monsieur m’avait touchée, j’oserais même dire « charmée ».
C’est donc sa vie qu’il nous raconte ici. Celle d’avant et celle d’après. Avant et après son accident bien sûr, mais aussi avant et après sa rencontre avec Béatrice, cette femme qui est omniprésente dans le livre, dont on sent qu’il l’a aimée d’un amour absolu (et a été payé du même amour en retour). Avant et après la maladie de Béatrice aussi.
Tout avait bien commencé pour « Pozzo » : issu de deux très grandes familles françaises, il est né avec une cuillère en argent dans le bec et le « cul bordé de spaghettis », comme il le dit lui-même. Il a tout pour lui, puisqu’il est à la fois riche, a un super boulot et est heureux en amour.
Hélas, c’est à croire que les gentilles fées qui se sont penchées sur son berceau à sa naissance se sont transformées en méchantes sorcières, puisqu’il devra affronter de terribles épreuves avec sa femme. La vie ne leur fera aucun cadeau.
Il parle de tout, sans aucun artifice, parfois avec crudité, parfois avec humour.
Par exemple, il dit qu’on appelle les tétraplégiques « les tétras » mais qu’entre eux ils se surnomment les « têtards » car ils n’ont « ni bras, ni jambe, juste la queue qui frétille » lorsqu’on leur fait leur toilette.
Il nous raconte ses douleurs fantômes : on a envie d’hurler à sa place.
Il nous parle de ses cauchemars, de ses délires : assez effrayant
Les passages où il raconte ses vols en parapente sont incroyables : on a l’impression d’y être : assez grisant !!
On sent ses moments de désespoir où l’envie d’en finir se fait sentir mais aussi cette indicible espérance qui le porte et le portera toujours.
Il explique aussi ce qu’est ce « second souffle ». Je me permets de le citer car cet extrait donne une bonne idée de l’ambiance du livre. : « Le handicap, la maladie sont fracture et dégradations. Dans ces instants où l'on perçoit l'échéance de la vie, l'espérance est un souffle vital qui s'amplifie; sa juste respiration en est le second souffle. Les coureurs de marathon connaissent le second souffle. C'est une sorte d'état de grâce. La respiration s'assouplit, devient plus profonde, la douleur disparaît. Je me suis étouffé durant quarante-deux ans. Nous nous étouffons à nous élancer trop vite, à vouloir être les meilleurs, les premiers. Ceux qui respirent mieux, au bout de quelques dizaines de kilomètres, sont ceux qui imaginent l'arrivée. Le but, c'est le festin divin, l'amour retrouvé. Cette vision de l'arrivée est essentielle. »
La seconde partie consacrée à son « duo « avec Abdel, si joliment baptisé son « diable gardien » m’a montré que le vrai Abdel a un côté beaucoup plus « bad boy » que Driss/Omar Sy dans le film.
Certaines scènes dans le film sont effectivement véridiques et j’ai beaucoup souri et ri dans cette deuxième partie. Ils ont vraiment fait « les 400 coups » tous les deux.
En refermant ce livre, j’ai l’impression que Philippe Pozzo di Borgo est un homme heureux, même si le bonheur est quelque chose de trop intime pour que je puisse en parler à la place d’un autre. En revanche, je suis sûre qu’il a trouvé une sorte de sérénité, de plénitude.
Une lecture vraiment émouvante sans pathos….
_________________ Je me disais que, tant qu'il y aurait des livres, le bonheur m'était garanti - Simone de Beauvoir (Mémoires d'une jeune fille rangée)
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