«Il roulait des yeux blancs d'une panique qu'il n'éprouvait pas et à cause d'eux Foreman était tenté de se pencher en avant quand il ne l'aurait pas fallu, il lançait un regard trompeur dans un sens tout en basculant la tête dans l'autre, et soudain il le fixait face à face, les yeux dans les yeux, volonté contre volonté, muntu contre muntu, il lui serrait la tête en l'observant entre ses gants, fourrait son poing dans l'aisselle de Foreman, venait le défier au bout des cordes et repartait en arrière quand Foreman se jetait en avant, le provoquait, l'enrageait, aussi à l'aise visiblement que s'il était en train de s'entraîner en peignoir de bain, repoussait la tête de Foreman avec le geste du torero qui s'écarte du taureau après avoir exécuté cinq belles passes sur lui, mais à un moment il a paru hésiter une fraction de seconde de trop, narguer Foreman un tout petit peu trop longtemps car George s'est tendu soudain, tel le taureau qui de l'autre bout de l'arène vient de comprendre qu'il est enfin prêt à massacrer l'homme et non la cape, et comme quelqu'un de la cuadrilla un des proches d'Ali a hurlé "Attention, attention, attention!" Ali s'est rejeté dans les cordes et juste au moment où il revenait Foreman lui a envoyé six crochets du gauche d'affilée, les plus énergiques de son combat, puis une droite, c'était le point culminant de sa rencontre et l'épicentre de sa meilleure attaque, un gauche au ventre, un à la tête, un au ventre, un à la tête, un autre au ventre, un autre à la tête, mais Ali les a tous parés, tous, du coude pour protéger le ventre, du gant pour protéger la tête, et les cordes sifflaient comme des serpents.»
_________________ Nul n'y parvient qui n'a combattu dans les règles
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